108

Décembre 1987

Mardi 1er décembre

Le matin, je vais au patriarcat syriaque-orthodoxe. J'y rencontre Son Excellence Mgr Bahnam Jijaoui, évêque d'Amman (Jordanie) et de Jérusalem. Notre entretien porte surtout sur Soufanieh et ses nombreux messages sur l'unité de l'Église. Je lui demande de bien vouloir diriger la prière le soir à Soufanieh, puisqu'il doit quitter Damas le lendemain.

Je ne lui cache pas qu'on filmera la prière sur vidéocassette. Sa présence sera une consolation pour les gens de la maison, et une preuve pour les nombreuses personnes qui ne manqueront pas de voir le film, de l'authenticité du Phénomène, ou du moins de l'approbation de quelques responsables ecclésiastiques. Au fond, Mgr Bahnam n'a aucunement besoin de mon insistance, car il est de tout coeur avec Soufanieh.

Le soir, en effet, c'est lui-même qui dirige la prière. On lit le passage de l'Évangile où Jésus, dans son discours après la Cène, prie pour la sainteté et l'unité de l'Église. Son Excellence dit quelques mots qui jaillissent de son coeur et qui sont enregistrés sur vidéocassette. Il invite tous les fidèles, à quelque communauté qu'ils appartiennent, à être des instruments dociles entre les mains du Seigneur, pour qu'Il réalise par eux la sanctification de la société et l'unité de Son Église, sanctification et unité qu'Il ne cesse de réclamer à Soufanieh à travers les messages qu'Il nous donne soit directement soit par la Sainte Vierge. Et il faut que la Volonté du Seigneur s'accomplisse.

Jeudi 3 décembre

Ce jour-là, deux lettres parviennent à Soufanieh, l'une de France, l'autre d'Alep (Syrie).

Celle venant de France émane d'un jeune musulman de Tunisie qui a fait des études de médecine en France. Il écrit en accord avec l'un de ses amis français qui habite à Saint-Étienne. La lettre est écrite en arabe.

Il présente ses voeux de paix «dans la terre bénie». Il a ensuite cette phrase étonnante:

«Je suis avec vous de coeur et d'esprit. Je prierai la nuit du 26-2 7 de ce mois (novembre, bien sûr) et avec l'aube de 1988 je vous souhaite, ô Myrna et Nicolas, à votre petite Myriam et à tous ceux qui vous sont chers, une année de paix intérieure et de grâce>

La lettre d'Alep est datée du 2 décembre et a été remise par un porteur. On y lit:

«A notre chère soeur Marie ou à qui la remplace, Salut en Notre Seigneur Jésus-Christ.

Je vous prie de remettre au porteur de cette lettre près de 200 images de Notre-Dame de Soufanieh, en vue de les distribuer aux membres de l'Association de Notre-Dame, de l'église Saint-Éphrem, quartier des syriaques, dimanche prochain.

Croyez bien à ma profonde reconnaissance et à mon respect. Gloire au Seigneur.»

Le curé de paroisse,

Père Georges SABOUNGI

La lettre porte la signature du prêtre et le sceau de la paroisse.

Vendredi 4 décembre

Ce matin, téléphone de la soeur du P. Jihad Jalhoum, qui se trouve à Bruxelles, en Belgique. Son frère veut obtenir de Mgr Georges Hafoury (évêque syriaque-catholique de Hassaké, Syrie) l'autorisation d'imprimer pour des amis belges, qui croient en Soufanieh, l'image avec la prière composée en français par Mgr Hafoury et imprimée sur le verso.

Je félicite en mon coeur le P. Jihad, et téléphone à l'instant à Mgr Hafoury. Il n'hésite pas une seconde. Je communique aussitôt sa réponse à la soeur du P. Jihad.

Et comme, deux jours après, un ami part pour un voyage en Europe, j'écris immédiatement une lettre au P. Jihad et la confie à cet ami, le chargeant de ma joie et de celle - présumée, avant de leur en faire part du P. Malouli, de Myrna et de Nicolas. Je suis parfaitement sûr de leur réponse.

Encore une fois, je me dis en moi-même : voici comment la Sainte Vierge se glisse un peu partout à travers le monde. C'est la tache d'huile qui grandit, grandit, sans que personne ne s'en rende compte...

Dimanche 6 décembre

Une lettre du professeur Henri Joyeux me confirme sa proposition d'inviter son collègue, le professeur Charles Mion, à venir à Damas. Il la renouvelle, fort de l'avis du P. Laurentin qui vient de rentrer de Damas. J'écris aussitôt au professeur Mion pour lui renouveler notre invitation.

Mardi 8 décembre

Ce matin, je rends visite à Sa Sainteté le patriarche syriaque-orthodoxe Zakka. Il s'enquiert presque uniquement de mon voyage en France et en Allemagne. Je m'entends avec lui pour lui rendre visite, le lundi 14 décembre, en compagnie du P. Malouli.

Vendredi 11 décembre

J'ai une longue conversation avec mon ami Nabil Choukair, "le cameraman de Notre-Dame de Soufanieh", dont je retiens le témoignage suivant:

Depuis un certain temps, il était inquiet pour son jeune fils Joseph, âgé de 12 ans, qui laissait pointer une nette désaffection pour la prière à l'église. Nabil en fit part à sa femme. Quelques jours après, celle-ci lui rapporta avec joie cette découverte : pendant quelques jours, elle a observé Joseph au lit le soir, et elle remarqua qu'il restait longtemps adossé à l'oreiller, les yeux fermés et la lumière éteinte. Elle le croyait endormi. Un soir, elle voulut le réveiller pour l'inviter à se glisser sous la couverture. Elle le trouva totalement éveillé : il priait, le chapelet à la main. Interrogé par sa mère, Joseph lui répondit: «J'aime dire tous les soirs le chapelet avant de m'endormir.»

Nabil est heureux de me raconter cette anecdote, preuve d'une évolution spirituelle de son fils, qu'il ignorait totalement. Or, Nabil est lui aussi un converti de Soufanieh.

Le soir, je me trouve chez mon ami Élie Barsa, en compagnie d'un couple ami, Edgar Zekert et sa femme Nouhad Tawil. Nous nous entretenons longuement sur Soufanieh. Edgar est depuis longtemps partisan d'une mise en pratique plus "conséquente" de tel ou tel message. Ce soir, il pose la question à propos d'une des phrases les plus déroutantes qu'a prononcée la Sainte Vierge, le soir du 24 mars 1983. Elle avait dit: «Fondez une Église. Je n'ai pas dit: bâtissez une église.» Edgar voudrait connaître le moyen de mettre en pratique ce message.

Finalement, on en vient à reconnaître que c'est le Seigneur qui tient en mains la clef de TOUT et que c'est Lui qui nous conduit par le bout du nez, sans aucunement attenter à notre liberté. En effet nous constatons que toutes les fois, à Soufanieh, que nous avons projeté de passer à l'action à propos de tel ou tel message, nous nous trouvons dans une impuissance radicale, jusqu'au jour où le blocage disparaissant cela se réalise tout seul, comme si une mystérieuse puissance intervenait.

Samedi 12 décembre

Le général de police Georges Bdéoui me remet ce matin deux écrits concernant deux faits marquants. Ce sont ses deux témoignages relatant, le premier, les stigmates du Jeudi saint 16 avril 1987, le second, l'écoulement d'huile de l'Icône sainte, le soir du 20 novembre dernier. Il l'a fait sans avoir été sollicité par quiconque, tout comme pour son tout premier témoignage, celui dont Antoine Makdisi m'a dit qu'il est l'un des meilleurs que contient le dossier. Je suis très heureux de rapporter cet avis à mon ami le général Bdéoui.

Lundi 14 décembre

Le P. Malouli et moi-même rendons visite à Sa Sainteté le patriarche Zakka. C'est la première visite du P. Malouli au patriarche, bien qu'ils soient "voisins". Je note l'essentiel de ce qui a été dit :

- Le patriarche rappelle l'écoulement d'huile en Suisse, d'une image de Notre-Dame de Soufanieh, dans la maison d'une de ses paroissiennes, Mme Amal Tannourgi, mariée à M. Nabil Karam.

- Le P. Malouli explique au patriarche ce qui l'a conduit à s'occuper de Soufanieh, en dépit de sa tendance farouche à combattre tout ce qui revêt un caractère étrange au niveau des manifestations religieuses.

- Il rapporte au patriarche le fait que l'huile qui a coulé de l'Icône sainte, entre le Samedi saint, 18 avril 1987, et le 12 septembre 1987, est de l'ordre de 1220 grammes.

Le soir de ce même jour, je téléphone à M. Bernard Tannourgi, frère de Mme Amal Karam, et j'apprends qu'elle sera à Damas ce jeudi 17 décembre.

Mercredi 16 décembre

Nicolas, Myrna et moi-même rendons visite au patriarche Zakka. L'entrevue dure de 11 heures à 12 heures 50.

Le P. Malouli ne peut nous accompagner. Sa Sainteté nous accueille dans le grand salon, en tenue violette officielle. Tout se passe dans la plus grande simplicité. Le patriarche est très attentif. Il a le regard doux et ses questions sont très directes. En somme, il n'est que père.

Quant à Myrna et Nicolas, ils font preuve d'une détente totale tandis qu'ils parlent au patriarche. Ils sont francs, et je ne remarque chez eux aucune affectation ou gêne. Qu'il est merveilleux d'avoir un évêque ou un patriarche qui ne soit que père! Le temps passe rapidement. On sent le patriarche entièrement à nous.

Quand il nous fait ses adieux, il nous accompagne jusqu'à la porte extérieure, conformément à son habitude. Arrivés devant la voiture, je dis ma déception qu'il n'y ait eu aucun signe sous les yeux du patriarche, comme un écoulement d'huile. Myrn exprime la même déception. Mais Nicolas a cette réponse immédiate - La foi de ce patriarche le dispense d'un tel signe!

Tous deux sont très heureux de cette rencontre. Je regrette profondément l'absence du P. Malouli.

Vendredi 18 décembre

A 16 heures, je rends visite à M. Bemard Tannourgi. Sa soeur Amal m'attend. Elle me raconte en détail ce qui est arrivé chez elle, à Fribourg, en Suisse. Je suis particulièrement heureux. Je ne raconterai pas le fait, lui laissant le soin de donner elle-même son témoignage. Je la presse de le mettre par écrit. Je la prie aussi de venir à Soufanieh pour dire à l'entourage ce qui est arrivé. Elle accepte sans hésitation. Elle viendra le dimanche 20 décembre, lors de la prière du soir.

Dimanche 20 décembre

Le matin, je téléphone à Sa Sainteté le patriarche Zakka, pour lui demander de permettre à son secrétaire, le P. Paul Assouki, d'être présent à Soufanieh, lors de la prière et du témoignage de Mme Amal Karam. Le patriarche ne fait aucun obstacle, à condition que le P. Assouki n'ait pas d'empêchement. De son côté, le P. Assouki fait bon accueil à ma démarche.

Le soir, nous sommes tous trois présents à Soufanieh, au milieu de la foule en prière. Le cameraman de la Vierge, Nabil Choukair, est là comme il se doit. La prière a lieu comme d'habitude. Puis je présente à la foule Mme Amal Tannourgi Karam, ainsi que le P. Paul Assouki. Elle donne son témoignage bien simplement et avec foi. Je remarque parmi les personnes présentes des visages baignés de larmes.

Ensuite Mme Karam me remet son témoignage écrit et fait la connaissance de Myrna, Nicolas et du P. Malouli. Elle demande des images et un peu d'huile miraculeuse. Ne pouvant pas les porter sur elle, parce qu'elle doit se rendre en Arabie Saoudite avant de rentrer en Suisse, je m'arrange pour lui envoyer le tout par Mlle Malak Mousleh, jeune ingénieur en électronique, qui vit en Suisse.

Le soir de ce même jour, alors que je suis sur le point de quitter la maison de la Vierge autour de 20 heures, je remarque, debout devant l'Icône sainte, un jeune prêtre entouré d'un groupe d'hommes et de femmes. Nous faisons connaissance. C'est un prêtre arménien d'Union Soviétique, en visite en Syrie. Étant à Kamichli (ville du nord-est de la Syrie), il y a entendu parler de Soufanieh. Il a même l'occasion d'en voir les vidéocassettes. Alors, il décide d'y venir prier. Il parle l'arabe avec un accent étranger fort sympathique. Notre conversation se prolonge et atteint un degré de confidence spirituelle qui lui fait avouer un fait que je tiens à rapporter, tant il est significatif.

Un conflit l'opposait à certaines personnes. Une hostilité manifeste les séparait. Or, en visionnant les vidéocassettes, il entendit cette phrase d'un des messages de la Sainte Vierge : «Je ne demande pas de l'argent à donner aux Églises, ni de l'argent à distribuer aux pauvres. Je demande l’Amour.» Il décida aussitôt de rendre visite à ses "ennemis". Il le fit pour plaire à Marie. Et ainsi, toute hostilité entre eux disparut.

Il raconte cela comme dans une confession, avec une simplicité et une humilité qui nous comblent tous de joie.

Quand il a quitté la maison avec ses amis, Myrna prononce textuellement cette phrase :

- Ce changement dans la vie de ce prêtre est à mes yeux bien plus important que l'huile et les autres miracles.

Ce soir également, Mme Salwa Nassan, femme d'Imad, Farah, me remet le texte de son témoignage écrit à propos de l'huile qui a exsudé des mains de Myrna lors du baptême de leur fils Élias, le jeudi 13 août 1987.

Lundi 21 décembre

Vers 15 heures, un groupe de prière se tient dans la maison de Mme Chams Halaby, à l'occasion du cinquième anniversaire de la guérison de son bras droit atteint d'une paralysie totale. Si j'évoque ce fait, ce n'est pas pour dire que la prière a eu lieu chez elle, car sa maison est devenue, depuis sa guérison, un lieu de prière fréquente. J'en parle pour rapporter un mot que m'a dit Mme Carmen Bitar. D'après elle, plusieurs personnes ont protesté contre toutes ces prières qui se célèbrent ici ou là dans les foyers, et auxquelles participe pourtant presque toujours Mme Bitar - celle-ci ne s'absentant presque jamais de Soufanieh, pour y assurer les chants. Certaines personnes lui ont fait observer :

- Mais n'en as-tu donc pas assez de prier?

Je lui dis :

- A ceux qui protestent, dites que notre vie sur cette terre s'écoulera rapidement, mais que nous passerons l'éternité en présence de Dieu à vivre de sa louange et de sa joie. Est-ce trop nous demander que de nous préparer dès maintenant à ce qui sera notre unique occupation pour l'éternité?

Comme d'habitude, la demeure de Mme Chams Halaby est bondée de gens de toutes les communautés et de tous les âges.

Mercredi 23 décembre

Je rends visite au patriarche Zakka pour lui dire dès maintenant mes voeux pour la fête de Noël, en dehors de tout protocole. Il m'accueille aussitôt. Une heure passe comme un éclair. Je veux connaître l'impression que Myrna et Nicolas lui ont laissée. Il ne s'en cache pas : il a été très heureux de faire leur connaissance. Il n'hésite pas à utiliser à ce propos une expression que j'ai entendue à plusieurs reprises dans sa bouche : «La main du Seigneur est à l'oeuvre à Soufanieh.»

Au sujet de Myrna et Nicolas, il me dit littéralement:

- Ils sont sincères et simples, contrairement à ce que les gens racontent à leur sujet.

Puis le patriarche me dit entre autres, que cette année est consacrée à la Sainte Vierge dans le monde entier, mais qu'à Damas rien n'a été fait dans ce sens. Cette remarque me surprend très agréablement, car celui qui a déclaré l'année en cours comme étant une "année mariale" est le pape Jean-Paul II. Sa Sainteté m'assure en outre qu'il consacrera son sermon de Noël à la Sainte Vierge.

Il fait encore allusion à un article qu'il a publié dans la revue du patriarcat sous le titre "La Vierge Marie et l’église syriaque" . Il m'en promet un exemplaire.

Enfin, il me faut dire la joie dont lui a fait part le P. Paul Assouki après avoir prié à Soufanieh, à l'occasion du témoignage qu'y a donné Mme Amal Karam, et, surtout, après avoir vu de ses propres yeux une goutte d'huile tomber de l'Icône sainte dans la coupelle de marbre. Le P. Assouki a été heureux, ajoute le patriarche, d'en faire part à Sa Sainteté.

Vendredi 25 décembre

Jour de Noël. A 13 heures 30, téléphone de Soufanieh. Myrna me dit:

- Père, la Vierge nous a fétés, en nous donnant de l'huile. - Quand?

- C'est tôt ce matin que nous nous sommes rendus compte que l'huile emplissait presque la coupelle.

Dimanche 27 décembre

Visite à la famille de mon oncle maternel, Jean, décédé depuis peu. On m'interroge sur Soufanieh. L'un des fils, Antoine, ingénieur civil, m'étonne en disant qu'il a cru à Soufanieh, dès qu'il a su que j'y ai donné mon adhésion. Je lui en demande la raison. Il me rappelle alors un fait qui a eu lieu, m'assure-t-il, dans la maison de leur voisine Hélène Malouf, en 1972. Ses parents s'en souviennent parfaitement. Leur voisine affirme que l'huile a coulé chez elle d'une des images de la Vierge. Elle en informe mon oncle Jean et sa famille. Us jugent bon de m'appeler. Je viens, examine l'image et n'y prête guère attention. Je leur dis :

- Prévenez-moi si le phénomène se répète.

Mon cousin Antoine m'assure que mon attitude circonspecte et prudente d'alors le convainc de Soufanieh, sans pour autant avoir été témoin de quoi que ce soit. Et c'est en vain que j'essaie de me rappeler ce fait tel qu'il m'a été rapporté. Je ne trouve dans ma mémoire qu'un reste de souvenir bien vague.

Mercredi 30 décembre

M. Nazih Raad me conduit dans sa voiture à Khabab, en compagnie de Mlle Michèle Fichot, médecin français en visite en Syrie. C'est son fils Issa qui est au volant. En route, Michèle fait une remarque dont je devine aussitôt l'origine.

- Tu es bon, dit-elle, tu es donc crédule.

Puis, elle pose cette question : - As-tu vu de tes propres yeux ce que tu racontes?

Encore une fois, je devine l'origine de ce doute, dû à l'influence de certaines personnes de Damas. Il y a un mois, me trouvant en France, Michèle n'opposait aucun scepticisme à l'égard de Soufanieh. J'essaie de lui montrer les différentes attitudes et raisons qui se cachent derrière son doute. Mais je suis sûr que le doute est bel et bien planté dans son coeur.

A l'archevêché de Khabab, l'accueil est, comme d'habitude, aussi simple que chaleureux. De cette visite, je me contente de noter les deux points suivants :

Notre visite à la chapelle de l'archevêché, où se trouve l'Icône miraculeuse. Sans que je le lui demande, le P. Mouwaffak Al-Id explique à Michèle comment l'huile a coulé des yeux de la Vierge. Il lui précise que l'oeil droit de la Vierge s'est dilaté et est devenu rouge tandis que l'huile en coulait. Cet écoulement d'huile s'est poursuivi pendant 24 heures.

Après le déjeuner, nous prenons le café au salon. Il y a là Mgr Boulos Bourkhoche, évêque du Hauran, et les prêtres de l'archevêché, dont les PP. Ghafril Dick, Jean Kanakry et le P. vicaire Mouwaffak Al-Id. Parmi les invités se trouvent également le P. Faëz Freyjat de Damas, le docteur Michèle Fichot et M. Nazih Raad. Insensiblement la conversation glisse sur Soufanieh. Je n'en ai pas l'initiative, mais c'est bien plutôt Michèle Fichot qui, la première, pose cette question à Mgr Bourkhoche:

- Avez-vous vu de vos propres yeux l'huile?

Monseigneur lui assure avoir vu l'huile à plusieurs reprises sur les images et sur les mains de Myrna. Michèle revient à la charge :

-Quel profit en avez-vous personnellement tiré? (C'est toujours le langage du profit cher à ce malheureux Occident!)

L'évêque lui dit que sur le plan de sa foi personnelle il n'en a presque rien retiré. Mais en tant que pasteur, il en a retiré beaucoup, car il a été témoin d'un mouvement de foi étonnant dans son diocèse, et d'un profond renouvellement spirituel chez certains. Et cela, il ne peut l'expliquer que par une intervention divine. Le calme et la brièveté de la réponse de l'évêque font mon admiration.

Ce jour-là, Mgr Bourkhoche me demande de finir rapidement mon article sur Soufanieh, afin que le P. Alam Alam puisse le traduire en anglais et que lui-même puisse le remettre à un journaliste américain qui lui en a fait la demande. Le P. Alam. Alam est curé du village de Maarra, situé à 30 km au nord de Damas. Je rassure l'évêque, en lui promettant l'article pour très bientôt.

Le soir, on me montre à Soufanieh un exemplaire de la revue suisse Stella Maris. On y voit une interview du journaliste français, Christian Ravaz. L'interview, plutôt longue, commence selon une perspective typiquement occidentale assez pénible, car il y est question notamment des croisades. Cependant, le contenu théologique est riche et valable.

Jeudi 31 décembre

Trois choses à signaler:

1. Le matin, je passe rapidement à Soufanieh. Myrna est sombre. Je l'interroge. Elle s'effondre en larmes. Nicolas, interrogé à son tour, garde le silence. Myrna me demande alors un entretien en tête-à-tête. Nous entrons tous deux dans la chambre.

Au bout d'un moment, je comprends qu'il s'agit d'une femme très proche de Myrna, qui lui a attiré des ennuis, en inventant de toutes pièces des racontars qui ont provoqué l'hostilité entre plusieurs personnes. Myrna pleure devant la méchanceté, le mensonge et l'ingratitude des hommes, dont elle vient de faire la triste découverte. Mais elle ne trouve aucune raison plausible à toute cette histoire.

Je l'invite à davantage de prière et d'abandon au Seigneur. Je lui rappelle aussi l'une des phrases du dernier message: «Que les peines et les souffrances qui t'arriveront ne te troublent pas. Je suis avec toi, sinon tu perds mon coeur.» Elle me répond spontanément:

- Je veux que rien ne m'éloigne de la prière. Je préfère tout perdre plutôt que perdre cette grâce et le Seigneur. Plutôt mourir que perdre le Seigneur!

Elle me raconte qu'un jour elle priait devant l'Icône sainte, se croyant seule. Or, Nicolas se tenait en prière derrière elle. Elle pria alors en haussant la voix et dit:

- Seigneur, je ne veux pas te perdre. Je préfère perdre même mon père, plutôt que te perdre!

Nicolas lui dit alors subitement:

- Myrna, tu as beaucoup grandi à mes yeux à cause de ce que tu viens de dire.

J'appelle alors Nicolas et nous nous entretenons longuement sur cette affaire. Finalement il me dit ceci:

- Père, je ne te cache pas que je pense que Myrna se trompe. Je le lui ai déjà dit à plusieurs reprises : elle est pour la Vierge et rien que pour la Vierge. Elle n'est pas chargée de résoudre les problèmes des gens. Ce qu'on lui demande, c'est d inviter les gens à la prière et de leur rappeler le Seigneur et Marie. C'est tout ce qu'on lui demande, à mon avis.

Nicolas voit les choses avec une profondeur remarquable. Je reconnais qu'il voit juste. Myrna accepte toutes ces remarques avec une humilité manifeste.

Je saisis alors l'occasion pour débattre avec eux d'une question qui nous inquiète, le P. Malouli et moi. C'est le fait d'ouvrir leur maison à tout venant, nuit et jour, sans aucune réglementation. Le P. Malouli et moi-même désirons établir des temps fixes pour la visite et la prière. Mais Nicolas refuse pour deux raisons : la première en est que les gens sont habitués à trouver la maison toujours ouverte, la seconde est l'impossibilité où ils se trouveraient de garder la porte fermée devant les pèlerins venant de loin et qui ignoreraient le nouveau règlement.

2. Vers 23 heures, nous avons un long moment de prière, avec quelques membres de la chorale, au couvent des Pères lazaristes, pour préparer l'année nouvelle. Puis, nous retournons à Soufanieh où nous attend toute une foule, pour ouvrir l'année nouvelle par la prière. Celle-ci se poursuit jusqu'à 1 heure du matin.

3. Sœur Chantal, Petite Sœur de Foucauld, m'envoie une carte du Liban. Elle y dit ceci:

«Comme l‘étoile et l'Enfant de la crèche ont été les signes d'un grand mystère, qu'aujourd'hui, à travers les nouvelles signes qu'Il donne à l'Église de Damas et du monde, à travers Marie, Sa Mère, que Jésus mette sa joie dans nos coeurs.»