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Le P. Jean-Claude Darrigaud à Damas
Le P. Darrigaud arrive à Damas le soir du dimanche 23 novembre 1986. Il réside chez les Pères lazaristes. Il quittera Damas le lundi 1er décembre.
Il passe son temps à tout observer, avec son flair de journaliste l'atmosphère, les personnes, la prière, le publie... Il demande à voir les films déjà enregistrés. Certaines vues l'étonnent tellement qu'il arrive plus d'une fois de sauter sur son siège et de s'exclamer : «Mais, c'est fou ! »
Un jour, je lui fais cette réflexion :
- Tu dois avoir l'impression, à écouter ce qu'on te dit, d'être en face d'un truc de science-fiction !
- C'est cela exactement !
Les trois premiers jours, rien ne s'est produit. Cependant nous attendons quelque chose. Nous l'attendons en espérance, si telle est la volonté du Seigneur.
Subitement, les choses prennent une tournure étonnante :
A l'aube du 26 novembre, l'huile se met à couler de l'Image miraculeuse. Nicolas en a la langue presque liée quand il voit l'huile, après une interruption de un an, jour pour jour. Immédiatement, il prévient par téléphone le P. Malouli, qui s'empresse de réveiller le P. Darrigaud et d'accourir avec lui à Soufanieh. Le Père vient, voit l'huile, la touche, la sent, et prie avec ceux qui ont le bonheur de se trouver là.
Pour ma part, j'en suis privé, mon téléphone m'ayant joué le mauvais tour d'être en dérangement. Ce n'est que le lendemain que je suis prévenu par Myrna et ses parents venus participer à la messe.
Le soir du mercredi 26, durant la prière commune, Myrna a une extase, sous les yeux mêmes du P. Darrigaud. Elle se tient à côté de lui durant la prière, quand elle semble se renverser en arrière, les yeux, le visage et les mains subitement tout couverts d'huile. On la porte sur son lit.
Je suis en prière avec eux devant l'Icône. On m'appelle et quand j'entre, je remarque sur le visage de Myrna, ses mains, et coulant surtout de ses yeux, une quantité d'huile comme il ne m'est jamais arrivé d'en voir.
Myrna crie de douleur : «Seigneur ! », tandis qu'on lui tient les deux mains.
Aussitôt je me fais cette réflexion : «On dirait que la Vierge cherche à en mettre plein la vue au P. Darrigaud, pour qu'il témoigne à son tour de ce qu'il aura vu et vécu. »
Pendant ce temps, Nabil Choukair, le cameraman, et son assistant sont fidèles à leur travail. Je vois même le P. Darrigaud recueillir dans une petite ampoule de l'huile qui coule des yeux de Myrna.
De tout cela, le P. Malouli fait un compte rendu.
Quant au message délivré au cours de l'extase, Myrna me le dicte en présence de toutes les personnes se trouvant dans la chambre. Cette fois-ci, elle n'exige pas le départ des laïcs.
Parmi ceux qui sont présents, je cite le P. Darrigaud et le P. Boulos Fadel, jeune prêtre pauliste, dont j'ai remarqué depuis un certain temps l'assiduité, en dépit du fait que son supérieur n'est plus venu à Soufanieh depuis le transfert de l'Icône le 9 janvier 1983.
Un jour, je lui en demande le motif et voici sa réponse
- Je me suis dit, bien que n'ayant rien vu : du moment que des milliers de gens viennent prier depuis bientôt quatre ans, c'est signe qu'il y a certainement quelque chose d'extraordinaire qui s'est passé dans cette maison ordinaire.
Cette fois-ci, il "voit" à son tour. Et j'en suis heureux pour lui.
Myrna me dicte donc le message, alors qu'elle est encore, dirais-je, à moitié endormie. Son élocution, dans l'ensemble, est claire. À peine commence-t-elle à ouvrir les yeux que l'on m'appelle. Je demande à Myrna:
- As-tu vu quelque chose? - J'ai vu Jésus.
- T'a-t-il dit quelque chose? - Oui.
- Qu'est-ce qu'il t'a dit? - Écris, me dit Myrna.
«Ma fille, Que ce lieu est beau! J'y construirai mon royaume et ma paix.
Et je vous (au pluriel) donnerai mon coeur, pour posséder votre coeur.
Vos fautes vous sont pardonnées, parce que vous me regardez.
Et qui regarde vers moi, je peindrai mon image en lui.
Car malheur à qui représente mon image, alors qu'il a vendu mon sang.
Priez pour les pécheurs.
Car toute parole de prière, j'y verserai une goutte de mon sang. Ma fille,
Ne te laisse pas troubler par les choses de la terre. Car par mes blessures, tu gagnes l'éternité.
Je veux renouveler ma Passion.
Et Je veux que tu accomplisses ta mission.
Car tu ne pourras entrer au ciel que si tu as mené à bien ta mission sur la terre.
Va en paix !
Et dis à mes enfants qu'ils viennent à moi à toute heure, et non quand je renouvelle la fête de ma Mère,
Car je suis avec eux en tout temps.»
Il se passe une chose étrange, tandis que je note le message sous la dictée de Myrna. Celle-ci me dicte la phrase où il est dit : «Malheur à qui représente mon image, alors qu'il a vendu mon sang». Le mot "a vendu mon sang" se dit en arabe : "ba'adami". Or, j'ai entendu "ba'adani" et je notai "ba'adani", tout en me demandant ce que peut bien signifier cette expression. Je ne lui trouve pas de sens. Le verbe "ba'ada" ayant le sens d'éloigner et s'employant autrement. Je me dis en moi-même: «Je demanderai au P. Élias Baladi qui s'y connaît mieux en arabe. »
Mais quand Myrna a fini de me dicter le message, je lui dis
- Myrna, je vais relire ce que j'ai écrit, fais attention, et si tu remarques une erreur quelconque, tu la corriges.
Je relis le texte, et arrivé à l'expression "ba'adani", voici qu'elle m arrête en disant : «Non, c'est "ba'adami" » Le texte devient plus qu'évident.
Après l'extase, le P. Darrigaud veut en savoir plus. Myrna dit :
- J'ai vu une lumière, et au coeur de la lumière une autre lumière ayant forme humaine, et j'ai entendu une voix retentissante et profonde. C'est tout.
Je lui dis alors :
- Pendant que tu me dictais le message, tu fronçais les sourcils quelquefois, comme si tu ramassais tes idées. Est-ce que les voix des gens dans la chambre et le patio te gênaient ?
Elle me répond : - Je n'entendais que ta voix.
Au salon, Myrna relit le message et demande ce qu'est la mission dont Jésus parle.
La réponse d'un des prêtres est celle-ci :
- Outre tout ce qui s'est fait depuis le début du Phénomène jusqu'à présent, le Seigneur la précisera lui-même en temps opportun.
Ce jour-là, deux choses nous frappent :
La première : le retour de l'huile et de l'extase, après une interruption d'un an, jour pour jour, dont Jésus lui-même avait prévenu Myrna, lors de l'extase du 26 novembre 1985, quand il lui avait dit : «Et si mon absence se fait longue et que ma lumière s'éclipse pour toi, ne crains pas. »
La deuxième : le rapprochement entre le premier mot que la Vierge a dit lors de son premier message, la nuit du 18 décembre 1982 («Mes enfants, souvenez-vous de Dieu, car Dieu est avec nous») et le dernier mot dit par Jésus dans ce dernier message : «Va en paix, et dis à mes enfants qu'ils viennent à moi à toute heure et non quand je renouvelle la fête de ma Mère, car je suis avec eux en tout temps.»
En effet, que de mots, soit dans les messages de la Vierge, soit dans ceux de Jésus, nous paraissant d'abord obscurs, qui seront clarifiés par la suite par d'autres mots, prononcés dans les messages ultérieurs.
Pour en revenir au P. Darrigaud, il enregistre à Damas plusieurs interviews sur vidéocassettes :
- Avec Soeur Fiorina, ancienne responsable de l'Hôpital Italien à Damas.
- Avec le docteur Georges Mounayer, cardiologue, chez lui. - Avec le docteur Jamil Marji, pédiatre, dans son cabinet.
- Avec le docteur Joseph Massamiri, biologiste, dans son laboratoire.
- Avec Mgr Boulos Bourkhoche, évêque grec-catholique du Hauran, à Khabab, sa résidence.
- Avec le P. Malouli et moi-même à Soufanieh même. - Avec Myrna et Nicolas, chez eux.
Il faut signaler que, durant l'interview avec Myrna et Nicolas, l'huile se manifeste sur les mains de Myrna. Sa belle-mère lui dit alors
- Mets-lui de l'huile sur le front.
Myrna répond avec pudeur :
-moi ?
Je traduis alors au Père ce qui s'est dit. Sa réaction immédiate est de prendre les deux mains de Myrna et de se les mettre sur la tête en disant :
- Mais pourquoi pas !
Signalons encore certains faits survenus pendant le séjour du P. Darrigaud :
l. Un jour, lui et moi, nous rencontrons "par hasard", dans la rue, Sœur Hind, des Religieuses de Besançon, responsable de leur Centre missionnaire à Khabab. Je lui demande de raconter au Père son attitude vis-à-vis de Soufanieh. Elle lui dit alors son refus premier et catégorique. Puis, l'apparition subite d'huile, en quantité abondante et sous ses yeux, un jour qu'elle est allée prier à Soufanieh, et juste au moment qu'elle s'était fixé pour rentrer au couvent. Même à présent, le fait de se rappeler cet événement, qui date pourtant de quatre ans, lui cause manifestement une profonde émotion.
2. Le dimanche 30 novembre, je trouve le P. Darrigaud chez les Sœurs de la Charité de l'Hôpital Français, parlant avec elles de Soufanieh après le repas. Je les vois l'écouter avec une attention qui M'étonne, car je sais que bon nombre d'entre elles refusent Soufanieh depuis longtemps. Leur posant alors la question de savoir ce qui les a convaincues de Soufanieh, la réponse me vient de sœur Agnès : Un jour qu'elle priait à Soufanieh pour trois malades graves de son secteur, et qu'elle tenait une reproduction de Notre-Dame de Soufanieh à la main, l'huile est apparue tout à coup sur l'image. Elle a couru auprès de ses malades et leur a donné de cette huile bénie, et ils guérirent tous les trois.
Je demande alors à Sœur Agnès de bien vouloir nous donner un témoignage écrit sur l'huile, mais pas sur les malades, car cela n'est pas de son ressort. Quelques jours après, elle remet ce témoignage écrit au P. Malouli.
3. Le P. Darrigaud passe une partie de sa dernière soirée avec les Sœurs de l'Hôpital Italien à Damas. Je suis présent. L'attention des religieuses est telle que je m'en réjouis profondément, car je sais que certaines d'entre elles se font remarquer par leur obstination à refuser Soufanieh. Or, ce qui arrivera après le départ du P. Darrigaud, c'est que ces religieuses elles-mêmes me demanderont, deux dimanches de suite, une causerie sur Soufanieh.
Le P. Darrigaud quitte Damas le 1er décembre 1986. La dernière chose qu'il tient à faire est, cela va de soi, de passer à Soufanieh et d'y prier. Il en emporte le chapelet de Myrna qu'il hésitait à lui demander et qu'elle lui a offert spontanément, sans d'ailleurs, avouera-t-elle peu après, s'expliquer son geste, car ce chapelet est un cadeau auquel elle tenait beaucoup.
Le jeudi 4 décembre, le P. Darrigaud me téléphone de Paris pour avoir des nouvelles de Soufanieh et pour m'assurer qu'il est toujours avec nous à chaque instant. Quand je lui demande s'il a eu le temps de visionner les films, il me répond textuellement :
- Le travail m'en a empêché, mais je fais confiance à la Vierge.
Et la nuit de Noël 1986, le P. Darrigaud présente à la télévision française, sur Antenne 2, son documentaire sur Soufanieh.
La nouvelle nous est annoncée par téléphone.
De nouveau, la presse se met en marche : presse française d'abord, puis d'autres presses, étrangères et arabes.
Nous fournissons alors des renseignements très précis et succincts.
De nouvelles déformations ont cependant lieu, outre des interprétations dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles sont tristes, pour ne pas dire mal intentionnées et ironiques, comme ce sera le cas du journal libanais AI-Nahar en date du 30 décembre 1986, sous le titre «La Solution : un miracle chrétien en Syrie».
En accord avec le P. Malouli, j'avais préparé un texte très étudié pour le directeur de l'Agence France Presse, le docteur linguiste Joseph Ghazi. Dans ce texte, j'avais mentionné le nom d'un ami musulman du nom de Hicharm Mourrai, chez qui l'huile était apparue sur une image de la Vierge de Soufanieh, lui qui ne faisait auparavant que se moquer de sa femme.
Donc, je mentionne ce fait dans l'article, mais le P. Malouli me conseille de le supprimer, pensant que M. Mourrai pourrait ne pas être d'accord ou pourrait se sentir gêné d'être mentionné dans un article. Etant coincés par le temps, je remets donc l'article au docteur Ghazi.
Mais quand, le soir même, j'en parle à M. Mourrai, il a la réponse suivante et sans l'ombre d'une hésitation :
- Père, tu as toute liberté de citer ce fait à n'importe qui et à n'importe quelle institution, sans t'en référer à moi. Ce fait a eu lieu et je ne le nierai jamais. Tu peux aussi donner mon nom et mon adresse à qui tu le désires.
Par la suite, le P. Darrigaud me propose de faire publier mes mémoires sur Soufanieh.
En outre, les lettres commencent à affluer d'un peu partout. Certaines d'entre elles contiennent même des chèques. On se met aussitôt d'accord pour les renvoyer avec un mot de remerciement et d'excuse : nous tenons absolument à la gratuité totale.