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Un malade nommé Samir Hanna
Le samedi 11 décembre, je me trouve vers midi à Soufanieh. On nous dit qu'un malade réclame l'Eucharistie, et demande à voir Myrna et Nicolas. Il s'appelle Samir Hanna. Je ne le connaissais pas; Myrna et Nicolas non plus. Nous allons tous trois chez lui, en passant par l'église pour y prendre le Saint Sacrement.
Un vieil homme nous accueille. Je le reconnais : un des nombreux réfugiés de Kounaitra - chef-lieu du Golan -, lors de la guerre de 1967. Il me salue et m'embrasse. J'apprends que le malade est son fils et qu'il est atteint d'une thrombose qualifiée de grave. Je pénètre dans la chambre du malade. Samir est assis dans le lit. Dès qu'il m'aperçoit, il ôte le couvre-pieds, faisant le geste de se lever. J'essaie de l'en empêcher. Il lève la main en un signe impérieux et me dit:
- Père, Dieu existe !
Il descend alors du lit, se met à genoux et se prosterne, le front contre terre. Je suis réellement effrayé. J'ai beau lui dire : «Samir, il ne faut pas...», il ne fait que répéter : «Père, ne crains pas : Dieu existe.»
Je prie, mais profondément inquiet, et lui donne l'Eucharistie. Il se prosterne à nouveau et demeure ainsi un temps qui ne me paraît pas être en deçà de cinq minutes. Après quoi, il remonte dans son lit. Puis, il prie Nicolas de bien vouloir sortir. Il se tourne vers Myrna et lui dit :
- Ma sœur Myrna, toi, tu penses te retirer dans un couvent, et la Vierge ne veut pas que tu le fasses.
Au comble de l'étonnement, Myrna me regarde en m'assurant : - Père, c'est vrai, mais je ne l'ai jamais dit à qui que ce soit.
Nicolas revient dans la chambre. Entrent aussi les parents de Samir, sa femme et ses enfants. Es nous racontent en sa présence ce qui lui est arrivé : tout a commencé par un infarctus, suivi d'une hémorragie cérébrale causant une paralysie totale. Trois médecins ne lui ont pas donné plus de quelques heures à vivre.
Un ami se précipita à Soufanieh, prit un coton imbibé d'huile, le lui glissa dans la bouche devant ses parents éplorés, en forçant les dents serrées avec une cuiller. Peu après, Samir ouvrit les yeux, étonné de voir tout ce monde pleurer autour de lui, les rassura, et réclama la communion, Myrna et Nicolas. Et chose étonnante : il appela Myrna par son nom de baptême : Marie, que ne lui connaissait presque personne, et cela d'autant plus que Samir et les Nazzour ne se connaissaient pas avant le phénomène de Soufanieh.
Il va de soi que je contacte aussitôt l'un de ses médecins traitants, le cardiologue Élie Tawil. Quand il apprend ce qu'a fait Samir, il s'écrie:
- C'est inadmissible ! Il va se tuer! Il faut l'en empêcher !
J'ajoute que Samir en est arrivé à se prosterner jusqu'à terre, chaque jour, au moment où je lui porte l'Eucharistie, et cela avant et après la communion. De plus, il entonne dans cette position l'Hymne à la Vierge : "Nous sommes tes serviteurs, ô Mère de Dieu", d'une voix byzantine puissante. Il m'apprend qu'il servait jadis la messe à Kounaitra, à l'époque du regretté P. Fouad Barbara.